lundi 12 janvier 2015

"Peut-on concevoir le fait d'être humain comme l'objet d'une expérience?" (7) - Aide à la dissertation.


1) Rédiger l’introduction
L’introduction doit poser le problème. Or, nous avons vu que la question du sujet remettait en question l’une de nos certitudes les plus fortes : soit l’humanité. Il est donc possible d’opposer dans l‘introduction la certitude morale de l’humanité, c’est-à-dire le fait que nous considérons comme sacrée la personne humaine et le caractère flou, dynamique, changeant de l’humanité dans son évolution sociale, politique, historique, technologique, scientifique, etc.
Le but est de montrer que l’on ne peut pas douter du respect que nous devons à tout être humain, parce qu’il est humain, mais nous ne pouvons pas douter non plus de ceci que l’espèce humaine évolue et que définir l’être humain n’est pas chose facile. Remettre en cause l’humanité de l’autre homme est un crime, d’un point de vue moral, mais d’un autre côté, ce que c’est qu’un homme n’est pas facile à définir parce que cela ne cesse d’évoluer et nous ne savons ce que l’être humain est capable de faire.
Par conséquent, il est possible, dans un premier temps, d’insister sur le caractère impératif, nécessaire et inconditionnel du respect de la personne humaine puis dans un second d’évoquer la difficulté à définir l’homme, enfin de poser la problématique : peut-on vraiment envisager que l’humanité soit « expérimentale » c’est-à-dire se réduise à une hypothèse qui attend continuellement sa confirmation.

2) Les références
Ce sujet peut se prendre selon différents sens. En pensant à toutes ses significations, nous avons déjà croisé des textes, des références de films, des idées, etc. Nous pouvons faire une liste « en vrac », sans transition, ni souci d’argumentation (du moins pour le moment), de tout ce dont nous voulons ABSOLUMENT parler.

3) Le plan
(Ce qui suit est une possibilité de plan que vous êtes seulement invité(e) à suivre si vous le jugez bon)
1-    Le point de vue moral (individu). Si être humain était une réalité « donnée », nous n’aurions pas besoin de nous imposer des principes et des lois pour être humains. Ce n’est pas parce que nous naissons humains que nous nous comportons comme des hommes. Dans une fourmilière, chaque fourmi fait ce qu’il est naturellement prévu qu’elle fasse : la reine pond, les ouvrières travaillent, etc. Chez les hommes, rien n’est déterminé. Nous n’avons pas instinctivement le sens des limites. Par conséquent, rester humain suppose notre respect des interdits, des tabous, des lois. On est humain par ses actes, pas par ses gènes. Mais peut-on pour autant affirmer que notre humanité morale est expérimentale ? Non, puisque elle consiste au contraire à respecter des principes, des règles, des normes. On peut évoquer ici Kant et son impératif catégorique : « Fais en sorte de pouvoir ériger la maxime de ton action en maxime universelle. » Cela signifie que pour que notre action soit morale, il faut que nous puissions vouloir que tous les hommes agissent de la même façon que nous. Agir moralement comme un homme, c’est agir comme si nous étions en même temps tous les hommes. Je ne peux pas tuer moralement parce que ce serait vouloir que tout le monde tue et aucune société humaine ne pourrait se constituer sur ce principe. Par conséquent, la réponse de Kant est clairement « non » à la question posée. Nous ne pouvons pas concevoir le fait d’être homme comme l’objet d’une expérience parce qu’être homme c’est au contraire imposer un cadre, un format à toutes nos expériences (plutôt que de nous laisser guider par elles) et ce format est celui de l’universel, de la totalité des hommes.

2-    Le point de vue historique (collectif). Nous avons parlé dans la partie précédente de l’humanité de l’homme, en tant qu’individu, confronté au devoir d’agir moralement. Mais tout change si nous nous intéressons aux actions collectives de l’homme, c’est-à-dire à son histoire. L’homme peut peut-être comprendre la nécessité de soumettre ses actes à des impératifs moraux, il doit vivre avec ses semblables dans le cours d’une histoire qui varie en fonction des évènements à l’échelle des nations, des crises, des guerres, des révolutions, etc. La question se pose donc, à ce niveau, de savoir si, quand nous regardons l’Histoire, nous voyons quelque chose d’expérimental, c’est-à-dire d’assez incertain, confus, voire hasardeux quant à un résultat final ou bien si, au contraire, nous voyons un projet global petit à petit se dessiner. Pour être clair, avons-nous l’impression que l’Histoire des hommes « va quelque part », suit une direction, le projet d’une réalisation qui permettent à l’humanité de « s’accomplir » ou bien avons nous l’impression que les hommes improvisent à chaque fois des solutions plus ou moins « bonnes » pour « tenir ». Ici encore Kant affirme que l’histoire n’est pas expérimentale et que la nature est capable d’orienter les évènements, même tragiques dans un sens qui est celui de l’accomplissement de l’humanité, comme par exemple, la révolution française et la déclaration des Droits de l’homme semble en témoigner (Nietzsche n’est pas d’accord avec cette prise de position, cf texte 2)
3-    Le point de vue psychologique et sociologique. Aussi convaincus que nous puissions être de la nécessité morale de nous comporter comme des êtres humains, sommes-nous suffisamment installés dans cette certitude qu’aucune expérience ne puisse nous faire glisser inconsciemment dans l’inhumanité ? Sommes nous à ce point ancrés dans le « sol humain » qu’aucun conditionnement, qu’aucune obéissance aveugle ne puisse  brutalement nous faire passer de l’autre côté ? Si l’humanité était une évidence si indestructible dans notre personne, nous ne pourrions pas davantage expliquer les camps de la mort, les génocides que le pourcentage de « cobayes » qui dans le jeu de la mort ont envoyé au « candidat » des décharges de 480 volts (82%). On peut aussi penser ici à Primo Lévi : « Enfermez des milliers d'individus entre des barbelés, sans distinction d'âge, de condition sociale, d'origine, de langue, de culture et de mœurs, et soumettez-les à un mode de vie uniforme, contrôlable, identique pour tous et inférieur à tous les besoins : vous aurez là ce qu'il peut y avoir de plus rigoureux comme champ d'expérimentation, pour déterminer ce qu'il y a d'inné et ce qu'il y a d'acquis dans le comportement de l'homme confronté à la lutte pour la vie ». Le point de vue de Robert Anthelme est également très intéressant : ayant fait l’expérience des camps, il note que c’est précisément de son appartenance certaine et irrévocable à l’espèce humaine que nous faisons l’expérience dans ces conditions limite. Les nazis ont tué, humilié, massacré, rabaissé l’être humain de toutes les manières envisageables sans jamais réussir à le faire devenir autre chose qu’un homme, y compris dans sa déchéance. « Ici la bête est luxueuse, l’arbre est la divinité et nous ne pouvons devenir ni la bête ni l’arbre. » L’homme battu, brisé, humilié est physiquement « moins que rien », moins qu’un végétal, moins qu’un animal mais il est encore « cela » qui justement ne se laisse pas ramener à l’animal, ni au végétal. Nous qui avons tendance à penser que nous sommes plus que des animaux sommes ramenés dans les conditions atroces de la vie concentrationnaire à devenir physiquement moins que lui, mais nous ne nous confondons jamais avec lui. La réponse Robert Anthelme est donc clairement « non » à la question posée. L’analyse que nous pouvons mener du jeu de la mort de Christophe Nick, peut, par contre, nous donner des arguments pour le « oui ».

    4-    Le point de vue scientifique. Dans cette quatrième partie, la question est simple : peut on concevoir le fait d’être humain comme l’objet d’une expérience scientifique ? Cela semble difficile, de prime abord puisque l’homme serait à la fois le sujet et l’objet de l’expérimentation, mais nous savons bien que nous sommes capables de faire des expériences sur l’ADN humain, que nous l’avons déjà étudié et que nous serions capables de le modifier, voire de l’améliorer (Bienvenue à Gattaca). L’expérimentation est une méthode reconnue, justifiée, indispensable à l’exercice de la science mais elle manifeste aussi une fascination trouble à l’égard d’un pouvoir totalitaire que nous serions autorisés à exercer sur nos semblables ainsi que sur les autres espèces animales. Pasteur se laisse ainsi abuser lorsqu’il demande à l’empereur du Brésil d’essayer sur des condamnés à mort des vaccins contre la rage et le choléra (ce qui suppose qu’on leur inocule d’abord le virus). Il se tourne vers une population dont il considère la situation comme justifiant leur désignation à titre de matériau expérimentable. Mis au ban de l’humanité par leur condamnation, ils sont un peu moins humains que les autres. Pourquoi s’adresse-t-il d’ailleurs à l’empereur du Brésil ? Parce qu’il sait très bien qu’une telle démarche n’aurait aucune chance de succès en France. La population des pays « moins développés » économiquement est donc plus accessible à un travail d’expérimentation, comme si les pays riches pouvaient impunément perfectionner leur médecine avec le « concours » des cobayes des pays pauvres. Comment qualifier cette façon de penser ? Comment considérer après tout ce qu’implique cette lettre Louis Pasteur comme un « bienfaiteur de l’humanité » ? Quelle humanité ? Celle des européens ?

Il est même possible de formuler contre la vivisection (expérimentation sur des animaux vivants) un argument décisif : les scientifiques justifient l’expérimentation animale par les enseignements que l’on peut en retirer pour l’être humain. Cela suppose, d’un point de vue biologique une parenté entre l’homme et l’animal. Nous reconnaissons donc physiologiquement que les animaux sont des cousins suffisamment proches de nous pour que ce que nous essayons sur eux  puisse valoir pour nous. Le problème est que ce « cousinage » qui est la condition invoquée pour justifier la pertinence scientifique de l’expérience, c’est justement ce que la science réfute pour en sauvegarder la légitimité morale, à savoir que nous pouvons le faire sur des animaux puisque ils ne sont pas des hommes. Mais s’ils sont si différents des hommes, comment les résultats des expériences que l’on fait sur eux pourrait-ils valoir sur nous ? On ne peut pas faire comme si ce cousinage n’avait qu’une efficience scientifique. S’il est physiologiquement authentique, cela veut dire que ce que nous faisons subir aux animaux, nous l’infligeons déjà à l’humain. Ici, c’est l’expérimentation dans son entier que l’on peut dénoncer comme exercice d’un pouvoir totalitaire et dangereux.
5-    Croire en l’Homme. Dans cette dernière partie, on peut insister sur le fait que le sujet ne nous demande pas si l’humanité est une expérimentation mais sur la question de savoir si nous pouvons accepter cette idée, « vivre avec ». Avons-nous « l’estomac » de nous lever chaque matin en nous disant : « Finalement, être humain, c’est une réalité qui se teste à chaque instant ». Nous sommes parfaitement libres de justifier ici le point de vue qui, selon nous, l’emporte sur l’autre. Deux réponses contraires peuvent ici être formulées : a) admettre n’est pas la même chose qu’accepter. Peut-être l’homme est-il une réalité expérimentale mais il n’en demeure pas moins que la grande force de l’être humain, c’est peut-être justement de résider dans cet effet de croyance qui a des effets sur le réel. C’est ici une position très intéressante qui envisage à la fois que l’homme est davantage un acte de foi qu’une réalité mais qui suggère en même temps que c’est en tant que croyance que nous nous constituons comme une vraie réalité dotée de caractéristiques propres ( la force de la société, de la politique, de la religion, c’est d’organiser intelligemment la croyance en l’être humain). A l’homme, nous ne pouvons que croire mais le fait d’y croire est justement tout ce qui nous fait être réellement des HOMMES.

                 b)  On peut, au contraire, argumenter en faveur d’une adhésion totale, radicale à la nature expérimentale de l’homme en considérant que nous pouvons le concevoir, nous pouvons encaisser, digérer une telle perspective. C’est même justement cela qui nous donne envie de nous lever chaque matin: être humain, c’est ce qui reste toujours à expérimenter et ne sera jamais tranché. Nous ne savons pas où nous allons mais c’est pour cela que cela vaut la peine d’essayer. L’aventure humaine peut mal tourner. Elle ne cesse de nous envoyer des signes annonciateurs de cette éventuelle « unhappy end ». De ce point de vue, il en irait un peu de l’humanité comme d’un jeu, ce qui nous motive, c’est l’épreuve que nous faisons à chaque instant de pouvoir perdre. Le propre de l’homme pourrait dés lors consister dans cette condition qu’est le sentiment d’avoir toujours à gagner sa condition.

4) La conclusion
Il est nécessaire de revenir ici sur les quatre premières parties et de justifier la réponse à la question que chacune d’elles nous a permis de formuler (soit oui, soit non). La cinquième partie (si nous avons eu le temps de la rédiger) est vraiment déterminante, c’est notre conviction profonde qui s’y justifie. Il est donc nécessaire de la reprendre, de l’affirmer, ne serait-ce que parce qu’en un sens, elle exprime quelque chose que l’on pourrait définir comme notre « énergie motrice fondamentale ». 


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