lundi 13 avril 2015

Explication du texte de Bergson sur la solidarité sociale - Répondre à la question 1


Dégager l’idée essentielle à partir de l’étude des articulations consiste d’abord à avoir repéré dans l’ensemble de ce texte qui ne défend qu’une seule idée un « schéma », une certaine façon de justifier cette affirmation essentielle, une certaine manière d’avancer progressivement vers cette idée, et de nous convaincre. Tout texte philosophique est une « machine à convaincre » qui suit un certain mode de fonctionnement. Il suffit donc de nous demander comment le texte « fonctionne », comment se fait-il qu’en lisant le texte de Bergson, sans avoir forcément d’idée préconçue sur cette question, nous nous retrouvions à la fin du passage non seulement avec une thèse mais aussi avec ce qui la légitime, de telle sorte que nous sommes contraints de la prendre au sérieux. Nous ne sommes pas seulement en face de quelqu’un qui nous dit : « voilà ce que je pense », mais de quelqu’un qui nous décrit comment il le pense, et qui fait preuve d’assez de cohérence et de rigueur pour que nous soyons en situation de le penser aussi. Cela ne signifie pas que nous sommes obligés d’être d’accord avec lui mais que nous devons « prendre en compte » ses arguments. C’est justement ce « comment il le pense » qui constitue l’étude des articulations.
Dans ce texte, nous voyons bien que Bergson interroge cette notion de solidarité sociale en essayant d’approfondir le présupposé d’une distinction entre moi social et moi individuel. De ce point de vue, nous discernons un mouvement qui, dés la deuxième phrase, dépasse cette dualité en montrant que les choses ne sont pas aussi simples qu’elles le paraissent : le moi social ne se surajoute pas de l’extérieur au moi individuel. Nous composons une sorte de « monstre à deux têtes » fait à la fois de l’influence des autres, de la société et de revendications individuelles, de ressentis qui nous sont personnels. Cela va même plus loin : nous ne serions pas un moi individuel si nous n’existions pas d’abord en société. Bergson essaie de nous faire comprendre que la solidarité sociale n’est pas un mouvement qu’il nous reviendrait d’accomplir comme un effort qui réclamerait que nous sortions de nous mais plutôt que nous revenions aux fondamentaux. Se sentir obligés à l’égard de la société et de ceux qui vivent avec nous en son sein, c’est revenir aux conditions mêmes dans lesquels nous nous sommes constitués comme un « moi ». Il n’y a pas d’effort à faire pour être impliqué dans la solidarité sociale, juste à prêter attention à tout ce qui présuppose la société dans notre façon d’être, d’agir, de penser, de parler.
Par rapport à cette thèse, l’argumentation de Bergson se situe sur deux niveaux : celui de notre volonté et celui de notre capacité. Se détacher du social : c’est ce que nous ne pouvons pas vouloir et aussi ce que nous ne pouvons pas « pouvoir ». L’énergie que nous investissons dans nos actions, dans notre volonté d’arriver à nos fins est déjà, en elle-même, de nature sociale. D’autre part, même si nous étions assez inconscients pour vouloir nous isoler, nous le pourrions pas parce que nous portons, dans notre pensée, dans notre langage, la marque de la socialisation, penser étant déjà, en soi, un dialogue avec soi qui suppose l’existence des autres.

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