mercredi 23 septembre 2015

"Puis-je savoir que j'ai raison?" - Aide pour l'introduction et le plan


Lorsque nous discutons avec une personne qui n’est pas du même avis que nous, nous essayons évidemment de la convaincre de la justesse de notre opinion, en utilisant des arguments, mais les circonstances mêmes de cette opposition finissent généralement par en faire un duel dans lequel il s’agit moins de dire vraiment « ce qui est » que d’avoir raison « contre » l’adversaire. Nous savons bien par exemple, qu’il existe pour les hommes politiques des « conseillers en  communication » qui, non seulement aident la plupart de nos hommes d’état à gérer les moments de leur prise de parole, mais aussi à travailler leur image, leur attitude, leur « style » lorsqu’ils apparaissent sur l’écran de télévision ou lors d’une conférence de presse. Tout est ainsi conçu pour qu’ils puissent donner l’impression qu’ils ont raison dans toutes les réponses qu’ils vont apporter aux questions que leur seront posées. Mais ce n’est pas parce que nous savons ce qu’il faut faire pour donner l’impression que nous avons raison que nous savons que nous avons raison. 

Lorsque, par exemple, Galilée, devant le tribunal du Saint Office, murmure : « Et pourtant elle tourne », il sait qu’il a raison, précisément parce qu’il a d’autres arguments à faire valoir que de simples techniques de « communication ». « Avoir raison » constitue donc un objectif tellement présent, tellement « sous-entendu » dans chacune de nos décisions, de nos prises de paroles, de nos jugements qu’il ne fait pas systématiquement l’objet, de notre part, d’un examen, d’une remise en cause. Nous pensons évidemment que nous avons raison d’adopter telle ou telle attitude sans quoi nous en aurions choisi une autre, mais le « savons-nous » ? Existe-t-il un critère qui nous donne la certitude objective d’avoir opté pour la bonne, la vraie, l’unique « solution », dans chacun de nos choix, de nos jugements, de nos actes ?

Nous pouvons relever, au moins, trois difficultés dans le traitement de ce problème :
-       En premier lieu, savoir que l’on a raison suppose précisément que nous nous détachions de la certitude première de notre « bon droit ». Autant nous n’avons pas à rendre raison de nos sentiments, comme l’a écrit Montaigne au sujet de son amitié avec La Boétie : « Parce que c’était lui parce que c’était moi », autant au contraire, j’ai à justifier mes prises de position sur une question, qu’elle soit théorique ou pratique. Je ne peux pas avoir raison contre mon contradicteur simplement « parce que ce n’est que lui, et parce que c’est MOI. » Avoir raison contre telle ou telle personne, cela ne peut pas être une question de personne mais de cohérence dans chacune des thèses défendues. Il s’agit donc de trouver un critère qui sectionne radicalement  le lien, l’attachement premier, viscéral, peut-être « naturel » qui habituellement relie nos expressions, nos manifestations à notre « ego ». Mais où et comment trouver, mener à bien le processus de cette extériorisation ?
-       Deuxièmement, « avoir raison » est une expression « plurivoque » (qui a plusieurs sens). Tel homme politique a raison de cultiver son image et ses techniques de communication si le seul but est d’être élu et de plaire au plus grand nombre, mais cet « avoir raison » là n’a aucun rapport avec le fait d’avoir raison au sens « d’être le plus compétent » pour diriger le pays (mais qui peut juger de cette compétence ?). Il est d’autant plus difficile de savoir que l’on a raison si nous ne précisons pas dans quelle perspective nous situons l’acte d’avoir raison. Mais si avoir raison n’est qu’une question de perspectives, l’expression elle-même n’est-elle pas discréditée, ruinée, détruite par l’éclatement de cette multiplicité de sens ?



-       Cette dernière remarque pointe déjà vers la troisième difficulté qui est radicale : avons-nous vraiment à nous poser cette question ? Savoir que l’on a raison définit ce que nous pourrions appeler « une réalisation à deux temps » ou plutôt le dédoublement dans notre action entre une dimension temporelle et une dimension atemporelle. En effet, nous aimerions savoir au moment où il faut nous décider pour telle ou telle option si nous avons raison, c’est-à-dire si ce choix est inconditionnellement le « bon », comme s’il existait « quelque part », au-delà des circonstances précises qui nous contraignent à agir, une justesse, pure, neutre, détachée de l’urgence de la situation présente, matérielle, une vérité « atemporelle », valable en toutes circonstances, indépendamment des cas particuliers. 

C’est exactement ce que fait le droit lorsque il sanctionne un délit par la peine prescrite dans le code pénal, ou simplement toute autorité légale par rapport à un manquement (ex - « j’ai oublié ma dissertation chez moi » – Réponse de l’enseignant : « vous n’auriez pas dû », mais au regard de quoi ? D’une immense machinerie complexe et très subtile de répartitions de tâches, de devoirs, de missions, de prescriptions au fil de laquelle se dessine, pour chaque membre intégré de la société, l’horizon d’un « devoir être », d’un « avoir à faire » en vertu duquel l’enseignant a des devoirs à donner, à corriger et l’élève a à les rendre). C’est la pertinence de cet immense édifice, de ce dédoublement continuel de nos actions par rapport à la pression que fait peser sur elles la condition nécessaire d’une compatibilité sociale voire universelle, d’un  « vivre ensemble » qu’il s’agit de questionner. Existe-t-il vraiment une solution juridique, morale, scientifique, philosophique à tous nos problèmes, ou bien sommes-nous condamnés à « bricoler », à improviser nos réponses en fonction des circonstances et non malgré elles ? Cela a-t-il vraiment du sens de s’extraire du cours d’une action, d’une pensée, d’une existence pour s’interroger sur son « bien-fondé » et se demander si nous avons raison ou pas de les réaliser ?


(L’examen de ces trois difficultés dessine l’ébauche d’un plan éventuel. Nous comprenons ainsi à quel point ce n’est pas la réponse à une question qui constitue le contenu d’une dissertation mais précisément l’exploration de tout ce qui en fait vraiment une question et plus encore une question insoluble. Nous interrogeons en profondeur tous les présupposés de la question, et cela jusqu’à remettre en cause l’idée même que nous ayons à « avoir raison »)



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire