jeudi 1 octobre 2015

Textes utilisables pour le traitement du sujet: "Puis-je savoir que j'ai raison?"


Deux textes de Karl Popper

« Le critère de démarcation inhérent à la logique inductive revient à la condition suivante : l’on doit pouvoir décider de manière définitive de la vérité et de la fausseté de tous les énoncés de la science empirique (ou encore tous les énoncés « pourvus de sens ») ; nous dirons qu’il doit être « possible de décider de leur vérité ou de leur fausseté de manière concluante  ». Ceci signifie que leur forme doit être telle qu’il soit logiquement possible tant de les vérifier que de les falsifier.
Or dans ma conception, il n’y a rien qui ressemble à de l’induction. Aussi, pour nous, est-il logiquement inadmissible d’inférer des théories à partir d’énoncés singuliers « vérifiés par l’expérience » (quoi que cela puisse vouloir dire). Les théories ne sont donc jamais vérifiables empiriquement. Si nous désirons éviter l’erreur positiviste qui consiste à exclure, en vertu de notre critère de démarcation, les systèmes théoriques de la science naturelle nous devons choisir un critère qui nous permette d’admettre également dans le domaine de la science empirique des énoncés qui ne peuvent pas être vérifiés.
Toutefois, j’admettrai certainement qu’un système n’est empirique ou scientifique que s’il est susceptible d’être soumis à des tests expérimentaux. Ces considérations suggèrent que c’est la falsifiabilité et non la vérifiabilité d’un système, qu’il faut prendre comme critère de démarcation.
En d’autres termes, je n’exigerai pas d’un système scientifique qu’il puisse être choisi, une fois pour toutes, dans une acception positive mais j’exigerai que sa forme logique soit telle qu’il puisse être distingué, au moyen de tests empiriques, dans une acceptation négative : un système faisant partie de la science empirique doit pouvoir être réfuté par l’expérience.
(Ainsi l’énoncé « il pleuvra ou il ne pleuvra pas ici demain » ne sera-t-il pas considéré comme empirique pour la simple raison qu’il ne peut être réfuté, alors que l’énoncé « il pleuvra ici demain » sera considéré comme empirique.)”
La Logique de la découverte scientifique, trad. Nicole Thyssen-Rutten et Ph. Devaux, éd. Payot, 1978, pp. 36-38.

“1) Si ce sont des affirmations que l’on recherche, il n’est pas difficile de trouver, pour la grande majorité des théories, des confirmations ou des vérifications.

2) Il convient de ne tenir réellement compte de ces confirmations que si elles sont le résultat de prédictions qui assument un certain risque ; autrement dit, si, en l’absence de la théorie en question, nous n’avions dû escompter un événement qui n’aurait pas été compatible avec celle-ci – un événement qui l’eût réfutée.

3) Toute « bonne » théorie scientifique consiste à proscrire : à interdire à certains faits de se produire. Sa valeur est proportionnelle à l’envergure de l’interdiction.

4) Une théorie qui n’est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique. Pour les théories, l’irréfutable n’est pas (comme on l’imagine souvent) vertu mais défaut.

5) Toute mise à l’épreuve véritable d’une théorie par des tests constitue une tentative pour en démontrer la fausseté (to falsify) ou pour la réfuter. Pouvoir être testée c’est pouvoir être réfutée ; mais cette propriété comporte des degrés : certaines théories se prêtent plus aux tests, s’exposent davantage à la réfutation que les autres, elles prennent, en quelque sorte, de plus grands risques.

6) On ne devrait prendre en considération les preuves qui apportent confirmation que dans les cas où elles procèdent de tests authentiques subis par la théorie en question ; on peut donc définir celles-ci comme des tentatives sérieuses, quoique infructueuses, pour invalider telle théorie (…).

7) Certaines théories, qui se prêtent véritablement à être testées, continuent, après qu’elles se sont révélées fausses, d’être soutenues par leurs partisans — ceux-ci leur adjoignent une quelconque hypothèse auxiliaire, à caractère ad hoc , ou bien en donnent une nouvelle interprétation ad hoc permettant de soustraire la théorie à la réfutation. Une telle démarche demeure toujours possible, mais cette opération de sauvetage a pour contrepartie de ruiner ou, dans le meilleur des cas, d’oblitérer partiellement la scientificité de la théorie (…).
On pourrait considérer ces considérations ainsi : le critère de la scientificité d’une théorie réside dans la possibilité de l’invalider, de la réfuter ou encore de la tester.”
Popper, Conjectures et réfutations.
 Texte de Pascal
" Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le cœur ; c'est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes, et c'est en vain que le raisonnement, qui n'y a point de part, essaye des les combattre. Les pyrrhoniens, qui n'ont que cela pour objet, y travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons point; quelque impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l'incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le prétendent. Car la connaissance des premiers principes, comme qu'il y a espace, temps, mouvements, nombres, est aussi ferme qu'aucune de celles que nos raisonnements nous donnent. 
Et c'est sur ces connaissances du cœur et de l'instinct qu'il faut que la raison s'appuie, et qu'elle y fonde tout son discours. (Le cœur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace, et que les nombres sont infinis ; et la raison démontre ensuite qu'il n'y a point deux nombres carrés dont l'un soit double de l'autre. Les principes se sentent, les propositions se concluent ; et le tout avec certitude, quoique par différentes voies.) 
Et il est aussi inutile et aussi ridicule que la raison demande au cœur des preuves de ses premiers principes, pour vouloir y consentir, qu'il serait ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu'elle démontre, pour vouloir les recevoir. "

Pascal, Pensées

Texte de Kierkegaard (1813 – 1855)

« Il s’agit de trouver une vérité qui en soit une pour moi, de trouver l’idée pour laquelle je veux vivre ou mourir…Quel profit pour moi d’une vérité qui se dresserait nue et froide, productrice plutôt d’un grand frisson d’angoisse que d’une confiance qui s’abandonne ? Certes, je ne veux pas le nier, j’admets encore un impératif de la connaissance et qu’en vertu d’un tel impératif on puisse agir sur les hommes, mais il faut alors que je l’absorbe vivant et c’est cela à mes yeux l’essentiel. C’est de cela que mon âme a soif comme les déserts d’Afrique aspirent après l’eau…c’est là ce qui me manque pour mener une vie pleinement humaine et pas seulement bornée au connaître, afin d’en arriver par là à baser ma pensée sur quelque chose non pas d’objectif, qui n’est pas moi, mais qui tienne aux plus profondes racines de ma vie, par quoi je sois comme greffé sur le divin et qui s’y attache, même si le monde croulait. »
                                                                                                            Journal I, A, 75
Texte de Nietzsche (1844- 1900)

« C'est encore et toujours sur une croyance métaphysique que repose notre croyance en la science, - nous autres qui cherchons aujourd'hui la connaissance , nous autres sans-dieu et anti-métaphysiciens, nous puisons encore notre feu à l'incendie qu'une croyance millénaire a enflammé, cette croyance chrétienne qui était aussi celle de Platon, que Dieu est la vérité et que la vérité est divine...Mais quoi, si cela même se discrédite de plus en plus, si rien ne se révèle plus comme divin, sinon l'erreur, l'aveuglement, le mensonge - si Dieu même se révèle comme notre plus durable mensonge ?- Ici, il convient de s'arrêter et de bien réfléchir. La science elle-même a désormais besoin d'une justification (par quoi il n'est pas encore dit qu'elle en possède une). Consultez à ce propos les philosophies les plus anciennes et les plus récentes : aucune n'a conscience que la volonté de vérité elle-même a besoin d'une justification. C'est là une lacune de toute philosophie - D'où vient cela ? Du fait que jusqu'ici l'idéal ascétique¹ a dominé toutes les philosophies, du fait que la vérité était posée comme Être, comme Dieu, comme instance suprême, du fait que la vérité ne devait aucunement être un problème. Comprend-on ce "devait" ? Dès qu'est niée la croyance dans le Dieu de l'idéal ascétique, se pose un nouveau problème : celui de la valeur de la vérité. "
                                                                        La généalogie de la Morale
Idéal ascétique : idéal de renoncement au désir incarné par la religion chrétienne (ascèse : ensemble d'exercices qui, en méprisant le corps, tendent à affranchir l'esprit)




Citation de Kant – l’impératif catégorique
"Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu peux aussi vouloir que cette maxime devienne une loi universelle"

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