vendredi 29 janvier 2016

Constituez une équipe de rédaction et rédigez des articles de Philosophie (6)


Voici les articles proposés par l'une des équipes  de rédaction des classes de Terminales ES, S2, S3, du 14 au 18 décembre. Dans la plupart des cas, les illustrations sont celles qui ont été choisies par le groupe lui-même. Dans chaque classe, nous allons procéder, pendant le mois de janvier, à un vote afin d’élire la « Une » la plus convaincante, la plus séductrice, la plus provocatrice (chacun choisira en fonction de ses propres critères). Vous pouvez d’ores et déjà vous faire une idée des travaux de chaque groupe en parcourant Le blog:

Il était une fois…


Le monde de Disney nous berce dans des rêves et une idéologie des relations entre les êtres vivant depuis le début de notre enfance. Ils nous donnent le goût de la vie tout en nous apprenant un certains savoir être grâce aux morales qu’ils glissent dans ces réalisations. On peut alors se demander comment les comptes de fées nous dictent des normes inconsciemment depuis notre enfance et si Walt Disney est autre chose qu’une fabrique à préjugés.
Un monde idéal…

Peter Pan est un jeune garçon qui refuse de grandir car il appréhende la vie d'adulte. Il vit donc dans un pays imaginaire qui rassemble les rêves de tous les enfants. En partant à la recherche de son ombre dans le monde réel il fait la rencontre de Wendy, Jean et Michel trois jeunes enfants qu'il ramène avec lui dans son pays. En revanche Wendy qui est à la limite entre l'enfance et l'âge adulte ne vivra pas les événements de la même manière que les autres. Elle se comportera même par moment comme la maman, elle rappelle régulièrement l'existence du monde réel. Avec ce Disney, les enfants ont un point de vu imaginatif et ce dernier montre que l'on peut rêver de ce que l'on veut. Le pays imaginaire dans Peter pan se modifie pour satisfaire les rêves et les désirs de chacun, un endroit ou l'on fait ce que l'on veut sans aucune règles; alors que pour le point de vu des adultes, c'est plutôt réaliste. Lorsque l'on part d'un endroit celui-ci ne s'arrête pas, il continue de vivre et on ne peut faire ce que l'on veut car il y a des règles à respecter. Peter Pan berce donc les enfants dans un idéal où tous nos rêves sont réalisables. Mais plus on grandit, plus on se rend vite compte que ce n’est pas le cas…
Un monde parallèle…

Le monde de Narnia est un film découpé en trois volets basculants du réel à la fiction et de la fiction à la réalité. Si on peut s'imaginer qu'un monde parallèle existe peut-on penser que le fantastique ait un impact sur la réalité. Lucie une jeune fille de découvre Narnia en jouant à cache-cache dans le fond d'une armoire. Ceci ne veut-il pas dire que tout mauvais moment échappatoire ? Comme tous contes il y a des gentils et des méchants, comme dans toutes les histoires se passant dans la féérie les gentils gagnent toujours, c'est ce qu'il se passa. La méchante reine est neutralisée par les quatre héros, la encore n'est-il pas un moyen de transmettre aux enfants que tout problème a sa solution ? Le fantastique nous fait rêver mais il nous écarte aussi de la vérité qu'est la vie. C'est à dire qu'il nous inculque des normes non conventionnelles dans le monde du réel. Est-ce qu'un lion peut parler et renaitre de ses cendres ? Evidemment que non pourtant dans le monde de Narnia ceci est permit, mais Pourquoi ?
Parce que la magie subsiste dans ce monde. En réalité le monde n'est pas rose comme on pourrait se l'imaginer. Le but des histoires est de nous faire oublier cela ? La réalité a tout de même besoin de sa fiction pour ne pas sombrer.
  
L’amour plus fort que les apparences…

Dans plusieurs de ses créations, Walt Disney Parle du sujet de l’amour. Je prendrais l’exemple de « La Belle et la Bête ». Dans ce dernier on peut y trouver tous les ingrédients d’un compte de fée, c’est-à-dire un méchant, un prince, une princesse et un peu de magie. En revanche le prince n’est pas ce qu’on pourrait appeler un prince ordinaire, en effet c’est une horrible bête et malgré le fait qu’il soit terrifiant Belle aura sut observer sa beauté intérieur et en tomber amoureuse. Lorsque l’on écoute attentivement les paroles de ce film, on peut observer tous les préjuger qui sont fait certes contre la bête mais également contre Belle. Cette jeune fille ressemant arrivée au village intrigue les habitants car elle est rêveuse et sans cesse plongé dans ses livres (elle n’est donc pas « aux normes »). De plus elle repousse également sans cesse Gaston le beau jeune homme que toute les jeunes filles du village souhaitent épouser. Dans ce dessin animé, on remarquera que Disney met en avant les préjugé qui naissent suite au physique ou à un comportement. Mais en revanche, on observe que lorsque l’on connait les personnages tous les préjugés du début du film sont inversés. On peut onc dire que sur ce point là Disney à tout à fait raison. En revanche si l’on reprend l’histoire d’amour entre Belle et la Bête, on peut parler d’exagération dans la morale car il est vrai que dans un amour la beauté intérieur est plus forte que la beauté extérieur mais en revanche cette histoire de terreur est un peu excessif.
 
Un bisou magique…
Durant notre enfance, nous avons tous déjà regardé un disney ou encore un dessin animé. Et nous nous sommes tous déjà imaginés dans un monde idyllique, habitant un beau château, accompagnée d’une princesse ou d’un prince, en train de mener une vie heureuse avec beaucoup d’enfants. N’est-ce pas ?
Mais est ce que finalement c’est la réalité ?
Il était une fois… Une princesse qui s’appelait Aurore, elle était belle, fine, gentille : tout pour faire rêver les petites filles, c’était une vraie princesse ! Déjà, ici, dans ce passage subsiste le critère de la beauté mais finalement ne serait-ce pas qu’un critère subjectif parmi tant d’autres? Les normes de la beauté sont mises en valeurs dans tous les Disney. Les princesses sont toutes belles, grandes, sans défauts, toutes proportionnés de la manière. On pourrait croire que c’est discriminatoire ? Pour être heureux, il faut être parfait sinon nous pouvons d’ores et déjà renoncés à notre bonheur.
Elle habite dans une forêt avec des fées. Les enfants pensent alors qu’il est possible de vivre dans une forêt sans avoir le moindre problème. De plus, elle est accompagnée de douze fées qui ont la capacité de réaliser une infinité de rêves. Ils vont alors penser que tout leurs aient dus. Et que la vie est un long fleuve tranquille qu’il n’y a aucun obstacle dans leur existence (exemple : chômage, problème d’argent, dépression…)
Elle vit heureuse avec ses 12 fées dans la forêt, le jour de ses 16 ans, elle refusa d’inviter une fée car elle était méchante. Pour se venger, elle décida de lancer un sort à Aurore, il consistait à lui donner la mort. Heureusement, une fée était présente et à réussi à sauver la princesse. Au lieu de mourir, pendant 100 ans elle allait être plongé dans un sommeil profond.
Ici, la fiction dépasse la réalité, être plongé dans un sommeil pendant 100 ans est ce qu’en réalité c’est vraiment possible ? Non, encore dans ce passage il y a une illusion.
Un beau jour, un prince voulu essayer de sauver la princesse, il devait franchir différents obstacles pour accéder à la tour. A l’intérieur de celle-ci dormait la belle Aurore ! Après avoir réussis tous les obstacles, il réveilla la princesse en l’embrassant. Nous pouvons nous interrogez sur plusieurs choses. Un simple baiser peut-il vraiment réveiller quelqu’un ? ou encore est-il vraiment possible de dormir aussi longtemps ?
La dernière phrase, dans chaque conte de fées : ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants …
Ici encore, cette phrase est un mensonge car il est impossible de vivre heureux jusqu’à la fin des temps

La Belle au Bois dormant est un récit qui évoque les différentes étapes de la vie d’une femme. On constate que l’Amour et Bien sont les deux grands vainqueurs. Les disneys sont remplis d’amour et de bonheur mais surtout d’illusion.
 
Gravir les échelons 

D’après les rumeurs chaque conte de fée possède une morale. Si l’on prenait le conte « Cendrillon » quelle serait cette morale ?

  Le conte de fée « Cendrillon » est l’histoire d’une jeune fille aillant perdue son père, qui par la suite va devenir la servante de son affreuse belle mère ainsi qu’a ses deux demi-sœurs qui vont lui rendre la vie impossible. Cependant la vie de Cendrillon va être bousculée par l’arriver d’un prince. C’est le prince du royaume dans lequel elles vivent toute les trois, ce prince lors de sa majorité n’u plus le choix que de trouver l’élue de son cœur pour gouverner son royaume avec quelqu’un à ses cotés. C’est pour cela qu’il organisa un grand banquet dans lequel étaient conviées toutes les jeunes filles du royaume pour pouvoir trouver celle qui fera son bonheur. Mais l’affreuse belle mère en décida autrement pour cendrillon elle ne pu y aller car elle avait abimé les vêtements de sa belle fille, mais elle voulait surtout que ses filles puissent avoir plus de chance d’être l’élue du prince. Cependant ce que cendrillon ne savait pas c’est qu’elle possédait une marraine la bonne fille qui pu grave a sa baguette magique la transformer en belle jeune fille mais qui transforma aussi une citrouille en magnifique carrosse et de toute petites souris en cheval blanc. N’est-il pas fantastique que cela arrive ? C’est certain nous avons tous rêvé de voir une bonne fée arriver dans son jardin pour changer notre destin. Grace a sa marraine la bonne fée elle pu y aller et rencontra le prince charmant. Et comme cela fus prévisible elle devint la femme du prince et donc quitta sa belle mère pour aller vivre avec son prince.
 

 Comme nous l’avons dit cette histoire aurait pour morale qu’il est possible de grimper l’échelon social grâce a une rencontre faite au hasard. Après vous avoir fait un court résumé de l’histoire pensez-vous que les petites filles voient autre chose que le fait qu’il est possible de rencontrer un prince charmant grâce à une bonne fée qui apparait dans son jardin ? Je pense que non ! Les enfants ne verront pas cette morale, mais ce qu’ils verront et surtout ce qu’ils retiendront c’est le fait que nous avons tous une bonne fée capable de nous sauver la mise grâce à des pouvoirs magique et que celle-ci nous permettra de rencontrer le prince charmant, mais surtout que celui-ci existe bel et bien !

 Ce qui nous permet de dire que les contes de fées nous bercent d’illusions dès notre plus tendre enfance, en nous faisant croire que les princes et les fées existent. Mais avec le temps qui passe nous nous rendrons compte que cela n’est que mensonge. Et donc que les histoires auxquelles nous croyons petit ne nous aideront pas dans la vie de tous les jours car elles nous feront croire que des choses sur l’amour qui ne reflètent pas du tout la réalité et sur les conditions de vie que nous pouvons avoir.
  

Nous pouvons donc dire que les contes de fées nous dictent des normes depuis notre enfance. Comme le fait de croire que des mondes parallèles ou idéaux existent, qu’il est possible de tomber amoureux au delà du physique (car nous savons que de nos jours le physique fait beaucoup de chose), mais aussi qu’un tendre bisou peu réveiller une personne endormi, ou alors qu’il est possible de grimper les échelons sociaux grâce a une bonne fée. Ainsi depuis notre tendre enfance on nous ment sur ce qu’est réellement la vie. Toutes les petites filles rêvent d’une histoire qui finira par « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants… ». Mais plus elles grandiront plus elles réaliseront que ceci n’est pas réalisable, qu’il est impossible d’avoir une vie comme celle que possède les princesses Disney. 
Serait-il donc plus judicieux d’arrêter de diffuser des films qui nous font croire que rien n’est impossible ? Ou alors faudrait-il conserver notre âme d’enfant en pensant que lorsque nous voulons quelque chose il est possible de l’avoir si nous nous en donnons les moyens pour pouvoir réaliser nos rêves ?


dimanche 24 janvier 2016

"Pouvons-nous lutter contre la bêtise?" - Utiliser le texte de Friedrich Nietzsche


« Faire du tort à la bêtise. – À coup sûr, la croyance au caractère condamnable de l’égoïsme, que l’on a prêchée avec tant d’acharnement et de conviction, a dans l’ensemble fait du tort à l’égoïsme (au profit comme je le répéterai cent fois, des instincts du troupeau !), notamment en lui ôtant la bonne conscience et en prescrivant de chercher en lui la source véritable de tout malheur. « Ton égoïsme est le malheur de ta vie » – Voilà ce que l’on entendit prêcher durant des millénaires : cela a fait du tort, comme on l’a dit, à l’égoïsme et lui a ôté beaucoup d’esprit, beaucoup de gaieté d’esprit, beaucoup d’inventivité, beaucoup de beauté, cela a abêti, enlaidi et empoisonné l’égoïsme ! – L’antiquité philosophique professa en revanche l’existence d’une autre source essentielle du malheur : à partir de Socrate, les penseurs ne se lassèrent jamais de prêcher : « votre manque de pensée et votre bêtise, votre manière de vivoter en suivant la règle, votre soumission à l’opinion du voisin voilà la raison pour laquelle vous parvenez si rarement au bonheur, – nous, penseurs, sommes, en tant que penseurs, les plus heureux. » Ne tranchons pas la question de savoir si cette prédication dirigée contre la bêtise avait pour elle de meilleures raisons que la prédication dirigée contre l’égoïsme : mais à coup sûr, elle sut ôter la bonne conscience à la bêtise : – ces philosophes ont fait du tort à la bêtise. »
                                           F. Nietzsche, Le gai savoir, 4e partie, § 328.
Friedrich Nietzsche est un philosophe dont il faut toujours se méfier lorsque nous décidons de l’utiliser comme référence au sein d’une dissertation (s’il fallait formuler le moins mal possible cette difficulté à classer ce penseur dans « une partie », nous en viendrions probablement à pointer la critique de la notion de vérité dont Nietzsche est l’auteur. Nous pouvons dire, en effet, que pour ce philosophe, ce n’est pas en tant qu’elle est vraie qu’une pensée est digne d’être conçue et formulée mais, au contraire, quand elle s’émancipe de cette moralisation pesante au nom de laquelle serait seulement « bonne » l’idée « vraie »). Cela est a fortiori valable par rapport à ce passage du « gai  savoir ». Il ne faut pas se laisser trop influencer par les qualificatifs utilisés par Nietzsche pour décrire la réprobation dont l’égoïsme fut victime. Du moins convient-il de réaliser qu’il n’est pas forcément en train de condamner solennellement cette réprobation, mais qu’il est déjà attentif à l’utiliser, à en « ruser », comme on dit. Plutôt que la vérité par rapport à la question de savoir s’il faut être ou pas « égoïste », regardons l’histoire, l’évolution des mentalités et la façon « subtile » au gré de laquelle, petit-à-petit l’égoïsme a été détruit, non pas frontalement mais sournoisement (enlaidi, empoisonné).
Un terme doit cependant retenir notre attention : « cela a abêti l’égoïsme ». L’utilisation fréquente, dans ce texte, du registre lexical de la religion (croyance, prêcher, prédication, etc.) montre assez clairement à quel point l’auteur assimile toute forme de croyance à de la bêtise. C’est un peu comme si la religion du « vivre ensemble » était parvenue à faire honte au solitaire de son égoïsme. Il est infâme de ne penser qu’à soi dans une société au sein de laquelle la préoccupation du groupe doit primer et l’intérêt général l’emporter sur l’intérêt personnel. Évidemment Nietzsche ne souscrit aucunement à cette pression grégaire que le grand nombre exerce sur les hommes d’exception, mais peu importe, ce n’est pas la question ici comme il le dit lui-même de façon très explicite : « Ne tranchons pas la question de savoir si cette prédication dirigée contre la bêtise avait pour elle de meilleures raisons que la prédication dirigée contre l’égoïsme ». Puisque « le troupeau » a su abêtir l’égoïsme, prenons des notes ! Regardons comment il s’y est pris et retournons cette arme qui a si brillamment fonctionné contre l’envoyeur. « Abêtissons la bêtise, elle-même ! » : c’est du moins la démarche initiée par Socrate (c’est notamment le nouvel élan que ce philosophe a insufflé à la Philosophie, comme si, à partir de lui, le propre de cette pratique était de subvertir la bêtise). Socrate est un « rusé » avant d’être un homme « vertueux » (il est plus proche de la « Virtu » machiavélienne (force, habileté) que de la morale Kantienne).
Quoi de plus stupide et surtout inefficace que de diaboliser la bêtise (nous avons bien vu pourquoi) ? Diaboliser l’adversaire est étymologiquement un pléonasme puisque le diable est toujours déjà l’adversaire, c’est-à-dire la croyance en la force adverse (le discours de Bush après le onze septembre est un pur « joyau » en la matière). Il convient plutôt de s’insinuer au cœur de la compulsion pour y faire germer la graine de la culpabilité : ce que l’on a fait pour l’égoïsme, appliquons-le à l’identique pour la bêtise. Faisons en sorte que le bête se sente coupable d’être bête ! Mais cette culpabilité ne pourra fonctionner que sur la base de l’acquisition du bonheur (Socrate insiste à plusieurs reprises, dans les dialogues de Platon, sur l’impossibilité pour le méchant de parvenir à un bonheur authentique).
La philosophie est plus ou moins mal considérée suivant les peuples, les époques et les mentalités, mais il faut bien convenir du fait qu’elle a su résister à toutes les tentatives d’éradication jusqu’à maintenant, et cela ne serait pas concevable indépendamment de ce soupçon d’un lien entre pensée et bonheur. Aussi piégée dans la bêtise qu’une population puisse nous sembler, l’idée selon laquelle la bêtise nous rend malheureux est encore viable aujourd’hui, et peut-être plus encore aujourd’hui qu’hier. La philosophie peut donc se concevoir comme cette pratique plus rusée que généreuse entreprenant, non pas de lutter contre la bêtise, mais de retourner contre elle ce poison de la culpabilité malheureuse : il n’est pas « mal » d’être bête, mais c’est nuisible à tout le monde, a fortiori à la bêtise elle-même. Ce qui guette l’imbécile, ce n’est pas l’enfer vers lequel le guiderait ses mauvaises actions, c’est plutôt la dépression de celui qui ne perçoit autour de lui que la laideur.


"Pouvons-nous lutter contre la bêtise?" - Extrait du livre: "Le lit défait" de Françoise Sagan (1977)


« Certaines lucidités sont pires que les pires aveuglements. A l’instant où l’on accepte son propre reflet comme définitif, il importe peu de savoir si le miroir, l’oeil, est déformant ou pas ; il faut que ce reflet soit beau ou qu’il tente de l’être ; car s’il ne l’est pas ou qu’on s’y résigne, on en vient à rechercher le pire, on ne tente plus que d’accentuer sa propre férocité, tels dans les fêtes foraines ces badauds déjà laids, qui, reconnaissant soudain dans une glace faussée, leur image caricaturale, se plaisent à en accentuer le grotesque plutôt que de s’enfuir. Car les autres badauds, alors, se rassemblent et rient ouvertement de cette laideur mise en majuscule, et dont ils ne pouvaient que sourire en cachette quand elle était en minuscule. Enfin on remarque l’insignifiance ! Et que recherche le plus insignifiant ou le plus sot, sinon d’être vu ? Chacun veut, quand il marche, que quelqu’un se retourne, ou quand il ne dort pas, que quelqu’un s’en inquiète, et quand il cède au rire ou aux larmes, que quelqu’un l’entende. Et s’il est heureux, que quelqu’un l’envie. C’est peut-être pourquoi toute rupture, tout divorce est si douloureux. Ce n’est pas l’être aimé, le complément ou la différence, le maître ou l’objet qui vous manque, c’est « l’autre », le témoin, ce micro et cette caméra perpétuellement branchés. Celui ou celle qui avec désir ou avec haine – peu importe – vous voyait vous lever, vous habiller, fumer, sortir, celui ou celle qui vous entendait siffloter, bâiller ou vous taire (même s’il ne vous regardait pas et même s’il ne vous écoutait pas). Et tout à coup personne ! Pour qui alors – même si vous ne le supportiez plus – pour qui écraser la cigarette dans un cendrier et non au milieu du tapis ? Pour qui – même si vous n’en aviez plus envie – éteindre votre lampe et vous déshabiller ? Pour qui – même si vous ne souhaitiez pas le retrouver au matin – fermer les yeux et chercher le sommeil ? Car enfin – et même si vous êtes adulte – pour qui dormir si Dieu n’existe pas, et pour qui vous réveiller ? Qui pourra témoigner demain que vous vous êtes bien lavé les dents ? Et devant qui ? »
                                                    Françoise Sagan – Le lit défait p 141


Quelque chose de très profond sur la bêtise dans son rapport à Autrui nous est révélé dans ce texte de Françoise Sagan. Cette femme écrivain que d’aucuns considèrent comme une créatrice de littérature « mineure » nous invite ici à réfléchir sur cette notion de « caricature » dont il est indiscutablement question dans la bêtise. Il peut nous arriver de ressentir une sorte d’effroi devant la bêtise, c’est-à-dire devant une personne qui ne vous donne à voir d’elle-même que le reflet de sa propre caricature comme si un pantin s’agitait devant vous, mais « sans ficelles ». Que signifie exactement ce « sans ficelles » ? Si je vois un professeur qui « joue au professeur », c’est-à-dire qui sort ces notes, prend un air plus ou moins doctoral ou pontifiant, je distingue facilement le marionnettiste qui manipule dans l’ombre les ficelles ordonnant ces gestes : c’est le « code » en usage dans la société : un professeur doit passer plus ou moins par ces postures, ne serait-ce que pour se faire accepter aux yeux de ses élèves, de ses collègues, de ses supérieurs (voir « le garçon de café » de Jean-Paul Sartre sur cette question), mais il peut arriver que le marionnettiste ne soit pas aussi visible, voire qu’il n’y en ait plus du tout. A force de jouer ce que l’on pourrait appeler le rôle de son être, cette personne finit par n’avoir plus d’autre être que son rôle (à savoir du paraître).

 Dans un premier temps, c’est exactement de « bêtise » dont il est question dans ce passage. Comment l‘expliquer ? Elle se définit par cet entêtement de celui ou celle dont le reflet projeté par le regard « des autres » est désavantageux, laid, pas enviable, et qui, au lieu d’essayer d’améliorer cette apparence (ou d’ignorer le reflet mais c’est une possibilité que Françoise Sagan n’envisage pas), l’amplifie. On singe alors sa propre laideur, on fait des grimaces devant le miroir qu’est l’attention des autres. On s’auto-caricature (Nabila fait sa « Bimbo », Eric Zemmour son « cultureux de droite décomplexé », Donald Trump son « milliardaire texan »). 
Ces personnes suivent alors la seule voie qui leur semble praticable et, en un sens, ils ont « raison » (au sens où ils retiendront ainsi l’attention des autres, suscitant autour d’eux une attention médiatique forte, mais ils le paient au prix fort puisqu’ils s’enferment à jamais dans « un » rôle). C’est là tout ce que nous pouvons situer dans cette référence que fait Françoise Sagan du passage de la minuscule à la majuscule. C’est ce que ces « icônes » des médias appellent « assumer » (Eric Zemmour assume le fait de porter la parole dite de « vérité » sur la relation entre la délinquance et l’immigration - parole statistiquement fausse pourtant – de même, Nabila « assume » sa passion pour le shopping ou le silicone). C’est ainsi que l’on peut confondre le courage avec l’obstination, la fermeté avec l’étroitesse d’esprit, l’abnégation avec le narcissisme, bref l’affirmation d’un style, d’un mode de vie ou de pensée avec de la bêtise. Les « badauds » (c’est-à-dire « nous ») peuvent dés lors s’en donner à cœur joie : ce que nous hésiterions à faire ou à dire devant une bimbo qui se contenterait de l’être, sans s’en faire le porte-parole ou l’incarnation médiatique, peut s’exprimer « en majuscule » puisque une personne cristallise sur son être la totalité des traits qui composent le stéréotype. 

Enfin « on remarque l’insignifiance » dit Françoise Sagan sans penser évidemment ni à Nabila ni à Eric Zemmour, mais cela s’applique aussi bien à leur cas qu’à celui de toute célébrité prenant sur elle de singer une certaine forme de caricature. Ces deux personnes, dans des domaines très différents, n’auraient évidemment jamais atteint un tel degré de popularité ou d’impopularité (mais cela revient exactement au même) sans cet effet médiatique de polarisation. Elles ne disent ni ne font rien de très original mais avec une telle constance et application dans la conformité au cliché qu’elles parviennent à coller exactement à la posture revendiquée. Rien jamais ne dépasse de leur réputation et l’excellence de leur prestation réside dans le fait qu’elles ne nous surprennent jamais. Avant même qu’elles parlent ou qu’elles agissent nous avons déjà une petite idée de ce qu’elles vont dire ou faire. Les compulsions de clôture, de répétition, d’imitation (cliché) et de rejet (« Capucine n’a pas de shampoing » - Nabila / « les artistes et les rappeurs n’ont aucune culture » - Zemmour) se retrouvent exactement dans cet enchaînement d’attitudes décrit par Françoise Sagan.

Mais son analyse ne s’arrête pas là, et c’est précisément ce qui rend ce texte aussi profond, aussi subtil, car Françoise Sagan se soucie de greffer cet égarement sur un trait dont on peut dire qu’il est impossible de l’éviter dans toute vie en société : être vu(e). « Que recherche le plus sot sinon d’être vu ? » Mais dés la phrase suivante nous passons à « chacun », comme si le « sot » ne faisait qu’accentuer une forme de délire constitutif de notre existence sociale : « chacun veut quand il marche que quelqu’un se retourne ». Nous ne vivons que sur le fond d’une éventualité que nous n’évacuons jamais totalement : celle d’avoir l’air de quelqu’un aux yeux de spectateurs assistant à notre vie comme à un film, un show télévisé, une pièce de théâtre. Choisir sa maîtresse, son amant, son mari, ses amis, c’est d’abord élire un regard devant lequel nous allons jouer notre partition d’existence humaine. La question qui se pose alors en présence de nos proches n’est donc plus celle de savoir comment « être » avec eux, mais qui « incarner » à leurs yeux, et si ces personnes nous quittent, c’est que notre jeu d’acteur ne les intéresse pas, que nous n’avons pas été assez bon en tant que comédien, nous ne sommes pas tant abandonné que désavoué, comme si notre prestation d’existant était plate et manquait de spectaculaire, de rayonnement, de séduction (il ne s’agit alors que de soigner le plus possible son apparence, de se teindre les cheveux, d’acheter une voiture rutilante, d’envoyer aux autres un maximum de signes extérieurs attestant de la vie merveilleuse que nous menons afin de les attirer peut-être, de leur faire envie sûrement).

Se pourrait-il que Dieu, l’idée de Dieu (dans une perspective résolument athée, donc), ne soit après tout que l’optimisation de cette absolue nécessité pour toute vie humaine de se « faire voir », de se concevoir, de se structurer et de se revêtir de cette apparence spectaculaire en s’inventant, plus encore qu’un démiurge omniprésent ou omnipuissant, l’excellence même d’une omni-voyance intégrale et continue, l’absolu témoin au regard duquel tout n’est qu’attestation, mise à l’épreuve, attente de reconnaissance, témoignage de foi et excuse ? Pour qui exister si personne ne nous regarde ? A quoi bon vivre si aucun dieu ne peut dans l’efficience même de structuration, de cohérence, et de signifiance inhérente à la place qui revient à l’observateur extérieur, embrasser le chaos de notre existence dans le compte rendu d’une vie avec un début, une fin,  un « sens » ? Si Dieu n’existe pas, je ne vis décidément pour personne, et de cette vie sans vis-à-vis s’élève alors, comme un  cri (ou comme un chant), l’urgence d’en construire le sens propre, immanent, indépendamment de tout témoin, de tout mari, de toute épouse, de toute référence sociale. C’est peut-être de ce cri là que nous percevons confusément l’écho dans le voisinage d’une Œuvre. Ici encore il semble avéré qu’aucune activité n’est plus à même de nous éloigner de la bêtise que celle de la création artistique.


mardi 19 janvier 2016

"Pouvons-nous lutter contre la bêtise?" - Utiliser des références


 (Il est possible d’articuler son plan autour de deux conceptions de la bêtise selon que nous la considérions comme un manque, un défaut ou bien comme une faculté à part entière. Prenons un exemple : pour le sens commun, l’oubli est un manque de mémoire mais Friedrich Nietzsche défend au contraire l’idée selon laquelle elle est une aptitude à part entière, avec une dynamique propre. On peut ici se poser la même question car elle est décisive pour le traitement du sujet : si, en effet, la bêtise est seulement manque de courage et de force (comme Kant le pense), il est évidemment possible de lutter contre la bêtise, et le mot « lutter » est vraiment justifié (puisque il s’agit d’avoir de la force), mais si la bêtise n’est pas un manque de pensée, ni un manque de force ou d’esprit méthodique pour mener « correctement » sa pensée, alors elle devient une catégorie de la pensée, quelque chose qui « agit » sournoisement en nous et dont il faut se méfier (c’est là ce que pensent Flaubert, Roland Barthes, Gilles Deleuze). Pour bien comprendre cette distinction entre l’erreur et la bêtise, il suffit de se représenter la différence entre un élève qui, en cours de philosophie, dirait que « Je pense donc je suis » est une citation d’Emmanuel Kant (il fait une erreur) et cet autre qui affirmerait que les femmes ne sont pas faites pour conduire une voiture (il fait preuve de bêtise, mais il affirme une « thèse »)

1)    Distinguez l’erreur et la bêtise

2)    « La paresse et la lâcheté sont les causes qui font qu’un aussi grand nombre d’hommes préfèrent rester mineurs leur vie durant, longtemps après que la nature les a affranchis de toute direction étrangère ; et ces mêmes causes font qu’il devient si facile à d’autres de se prétendre leurs tuteurs. Il est si aisé d’être mineur ! Avec un livre qui tient lieu d’entendement, un directeur de conscience qui me tient lieu de conscience, un médecin qui juge pour moi de mon régime, etc, je n’ai vraiment pas besoin de me donner moi-même de la peine. Il ne m’est pas nécessaire de penser, pourvu que je puisse payer ; d’autres se chargeront bien pour moi de cette ennuyeuse besogne. Les tuteurs, qui se sont très aimablement chargés d’exercer sur eux leur haute direction, ne manquent pas de faire que les hommes, de loin les plus nombreux (avec le beau sexe tout entier), tiennent pour très dangereux le pas vers la majorité, qui est déjà en lui-même pénible. Après avoir abêti leur bétail et avoir soigneusement pris garde de ne pas permettre à ces tranquilles créatures d’oser faire le moindre pas hors du chariot où ils les ont enfermées, ils leur montrent le danger qui les menace si elles essaient de marcher seules »                       Emmanuel Kant « Qu’est-ce que  les Lumières ? »



a)    Définissez avec précision ce que signifient, dans le texte, les termes de « mineur », « tuteur », « majorité ».
b)    Reprenez les exemples utilisés par Kant (un livre, un directeur de conscience, un médecin). Que veut dire l’auteur ? le constat de Kant s’applique-t-il aux hommes d’aujourd’hui ? Justifiez votre réponse.
c)    Pour Kant, que faut-il faire pour lutter contre la bêtise ?




3)    « Le bon sens est la chose la mieux partagée car chacun pense en être si bien pourvu, que même ceux qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils en ont. En quoi il n'est pas vraisemblable que tous se trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger, et de distinguer le vrai d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tout homme ; et qu'ainsi la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est l'appliquer bien. »
                                          René Descartes -  « Le discours de la méthode »
a)    Expliquez la première phrase du texte. Descartes pense-t-il que tous les hommes font preuve de bon sens ?
b)    En quoi consiste la différence entre les hommes raisonnables et les hommes bêtes ? Distinguez clairement le sens des expressions : « avoir l’esprit bon » « l’appliquer bien » ?
c)    Comment pouvons-nous lutter contre la bêtise selon Descartes ?


4)    « Faire du tort à la bêtise. – À coup sûr, la croyance au caractère condamnable de l’égoïsme, que l’on a prêchée avec tant d’acharnement et de conviction, a dans l’ensemble fait du tort à l’égoïsme (au profit comme je le répéterai cent fois, des instincts du troupeau !), notamment en lui ôtant la bonne conscience et en prescrivant de chercher en lui la source véritable de tout malheur. « Ton égoïsme est le malheur de ta vie » – Voilà ce que l’on entendit prêcher durant des millénaires : cela a fait du tort, comme on l’a dit, à l’égoïsme et lui a ôté beaucoup d’esprit, beaucoup de gaieté d’esprit, beaucoup d’inventivité, beaucoup de beauté, cela a abêti, enlaidi et empoisonné l’égoïsme ! – L’antiquité philosophique professa en revanche l’existence d’une autre source essentielle du malheur : à partir de Socrate, les penseurs ne se lassèrent jamais de prêcher : « votre manque de pensée et votre bêtise, votre manière de vivoter en suivant la règle, votre soumission à l’opinion du voisin voilà la raison pour laquelle vous parvenez si rarement au bonheur, – nous, penseurs, sommes, en tant que penseurs, les plus heureux. » Ne tranchons pas la question de savoir si cette prédication dirigée contre la bêtise avait pour elle de meilleures raisons que la prédication dirigée contre l’égoïsme : mais à coup sûr, elle sut ôter la bonne conscience à la bêtise : – ces philosophes ont fait du tort à la bêtise. »
                                           F. Nietzsche, Le gai savoir, 4e partie, § 328.

a) Qu’est-ce qui intéresse Nietzsche dans ce texte : critiquer l’égoïsme ou désigner le pouvoir de nuisance d’une forme de pensée contre l’égoïsme ? En quoi consiste exactement cette « forme de pensée » ?
b) Les philosophes de l’antiquité (Socrate, Platon, etc.) ont nui à la bêtise, de quelle façon ? Comment Nietzsche définit-il la bêtise ?
c) Faire du tort à la bêtise : est-ce lutter contre elle ?

5) « Tricher la langue - Dans la langue, donc, servilité et pouvoir se confondent inéluctablement. Si l'on appelle liberté, non seulement la puissance de se soustraire au pouvoir, mais aussi et surtout celle de ne soumettre personne, il ne peut donc y avoir de liberté que hors du langage. Malheureusement, le langage humain est sans extérieur : c'est un huis clos (…) A nous, qui ne sommes ni des chevaliers de la foi ni des surhommes, il ne reste, si je puis dire, qu'à tricher avec la langue, qu'à tricher la langue. Cette tricherie salutaire, cette esquive, ce leurre magnifique, qui permet d'entendre la langue hors-pouvoir, dans la splendeur d'une révolution permanente du langage, je l'appelle pour ma part : littérature. »                    Roland Barthes
Voici trois exemples différents de « tricherie littéraire » de la langue. Pour chacun d’eux, définissez précisément en quoi consiste la tricherie, c’est-à-dire ce que l’auteur fait subir à la langue et de quelle façon, selon vous, ces distorsions de la langue nuisent à la bêtise :

a)    L’écriture automatique, pratiquée par le surréalisme :
« Faites-vous apporter de quoi écrire, après vous être établi en un lieu aussi favorable que possible à la concentration de votre esprit sur lui-même. Placez-vous dans l'état le plus passif, ou réceptif, que vous pourrez. Faites abstraction de votre génie, de vos talents et de ceux de tous les autres. Dites-vous bien que la littérature est un des plus tristes chemins qui mènent à tout. Écrivez vite sans sujet préconçu, assez vite pour ne pas retenir et ne pas être tenté de vous relire. La première phrase viendra toute seule, tant il est vrai qu'à chaque seconde il est une phrase étrangère à notre pensée consciente qui ne demande qu'à s'extérioriser. Il est assez difficile de se prononcer sur le cas de la phrase suivante ; elle participe sans doute à la fois de notre activité consciente et de l'autre, si l'on admet que le fait d'avoir écrit la première entraîne un minimum de perception. Peu doit vous importer, d'ailleurs ; c'est en cela que réside, pour la plus grande part, l'intérêt du jeu surréaliste. Toujours est-il que la ponctuation s'oppose sans doute à la continuité absolue de la coulée qui nous occupe, bien qu'elle paraisse aussi nécessaire que la distribution des nœuds sur une corde vivante. Continuez autant qu'il vous plaira. Fiez-vous au caractère inépuisable du murmure. Si le silence menace de s'établir pour peu que vous ayez commis une faute : une faute, peut-on dire, d'inattention, rompez sans hésiter avec une ligne claire. A la suite du mot dont l'origine vous semble suspecte, posez une lettre quelconque, la lettre l, et ramenez l'arbitraire en imposant cette lettre pour initiale au mot qui suivra. »
                                                                                 André Breton

b)    « Les animaux se décomposent en a) appartenant à l'Empereur b) embaumés c) apprivoisés d) cochons de lait e) sirènes f) fabuleux g) chinchards h) chiens en liberté i) inclus dans la présente classification j) qui s'agitent comme des fous k) innombrables l) dessinés avec un pinceau très fin en poils de chameau m) qui viennent de casser la cruche n) qui de loin semblent des mouches o) autres... »
                                                          L’encyclopédie chinoise -  José-Luis Borges


c)

 « je te flore /
tu me faune /
je te peau / je te porte / et te fenêtre /
tu m’os / tu m’océan / tu m’audace / tu me météorite /
je te clé d’or / je t’extraordinaire / tu me paroxysme / tu me paroxysme / et me paradoxe / je te clavecin / tu me silencieusement / tu me miroir / je te montre / tu me mirage / tu m’oasis / tu m’oiseau / tu m’insecte / tu me cataracte / je te lune / tu me nuage / tu me marée haute / je te transparente / tu me pénombre / tu me translucide / tu me château vide / et me labyrinthe / tu me parallaxes / et me parabole / tu me debout / et couché / tu m’oblique / je t’équinoxe / je te poète / tu me danse / je te particulier / tu me perpendiculaire / et sous pente / tu me visible / tu me silhouette / tu m’infiniment / tu m’indivisible / tu m’ironie / je te fragile / je t’ardente / je te phonétiquement / tu me hiéroglyphe / tu m’espace / tu me cascade / je te cascade à mon tour / mais toi / tu me fluide / tu m’étoile filante / tu me volcanique /  nous nous pulvérisable / nous nous scandaleusement / jour et nuit / nous nous aujourd’hui même / tu me tangente / je te concentrique / concentrique / tu me soluble / tu m’insoluble / en m’asphyxiant / et me libératrice / tu me pulsatrice / pulsatrice / tu me vertige / tu m’extase / tu me passionnément / tu m’absolu / je t’absente / tu m’absurde / je te marine / je te chevelure / je te hanche / tu me hantes / je te poitrine / je buste ta poitrine / puis ton visage / je te corsage / tu m’odeur / tu me vertige / tu glisses / je te cuisse / je te caresse / je te frissonne / tu m’enjambes / tu m’insupportable / je t’amazone / je te gorge / je te ventre / je te jupe / je te jarretelle / je te peins / je te bach / pour clavecin / sein / et flûte / je te tremblante / tu m’as séduit / tu m’absorbes / je te dispute / je te risque / je te grimpe / tu me frôles / je te nage / mais toi / tu me tourbillonnes / tu m’effleures / tu me cerne / tu me chair cuir peau et morsure / tu me slip noir / tu me ballerine rouge / et quand tu ne haut talon pas mes sens / tu es crocodile / tu es phoque / tu es fascine / tu me couvres / et je te découvre / je t’invente / parfois / tu te livres / tu me lèvre humide / je te délivre / je te délire / tu me délire / et passionne / je t’épaule / je te vertèbre / je te cheville / je te cil et pupille / et si je n’omoplate pas / avant mes poumons / même à distance / tu m’aisselle / je te respire / jour et nuit / je te respire / je te bouche / je te baleine / je te dent / je te griffe / je te vulve / je te paupière / je te haleine / je t’aime / je te sens / je te cou / je te molaire / je te certitude / je te joue / je te veine / je te main / je te sueur / je te langue / je te nuque / je te navigue / je t’ombre / je te corps / je te fantôme /
je te rétine / dans mon souffle / tu t’iris /
je t’écris /
tu me penses »
                                                            « Prendre corps » – Ghérasim Luca
(Pour ce dernier exemple de tricherie, il peut être intéressant de citer toutes les règles de syntaxe « enfreintes » par ce poème)