dimanche 8 mai 2016

Peut-on comprendre l'Univers sans se raconter des histoires de mondes? Copie de Salomé Cuinet (Terminale S2)



Dés la naissance de la philosophie, les hommes ont voulu savoir de quoi l’Univers était fait. Ce mot venant du latin Universum a plusieurs sens. D’abord c’est l’ensemble de tout ce qui existe, de tout ce qui nous entoure de près ou de loin. Ensuite cela peut être un milieu, un environnement ou le domaine psychologique d’une personne. C’est aussi un ensemble de concepts, d’objets abstraits considérés comme un système organisé. En littérature, c’est l’ensemble de l’humanité. Dans ce sujet, nous nous intéresserons principalement à la première définition, celle de l’univers des scientifiques composé de galaxies et de planètes. Or cet univers là a besoin de faits scientifiques pour être connu et compris. Pour autant avons-nous besoin de nous raconter des histoires de mondes pour le connaître ? Devons-nous prendre en compte les histoires de notre monde, notre planète Terre ou de nos mondes, les histoires de chaque personne, de chaque époque de la vie ?

Il faut d’abord différencier cosmologie et cosmogonie. La cosmologie est l’Etude de l’origine, la nature, la structure et l’évolution de l’univers. Elle est purement scientifique et développée par les astrophysiciens qui cherchent à connaître la vérité. La Cosmologie est donc la science des lois générales par lesquelles le monde est gouverné tandis que la cosmogonie  est le récit de l’origine du monde. Elle vient du grec cosmo « monde » et gon : engendrer. Il existe des milliers de légendes de création du monde. Elle se rapporte au sujet dans le fait de se raconter des histoires de monde. La transmission de ces histoires est orale. Ce sont des contes, des fictions. La cosmogonie est irrationnelle. L’une des plus connues est la Théogonie d’Hésiode. Cette histoire raconte comment sont venus au monde les premiers Dieux, comment l’univers a été créé et partagé entre les différentes divinités associés à différents symboles. Ce que nous retenons alors de cette théogonie est que les grecs ont voulu expliquer de manière irrationnelle pourquoi nous existons, comment l’univers s’est fait au travers de la parole du récit et de la légende. Mythos est donc lié à logos, ce qui implique que pour créer la science, il a fallu l’inventer. Aucune civilisation n’a pu pour le moment pratiquer la science sans avoir d’histoires pour expliquer d’abord l’Univers par le mythe.
La science étant ici relié à la cosmologie, ne doit rien inventer ni extrapoler sous peine de s’enfermer dans une histoire de monde qui lui conviendrait, certes, mais l’éloignerait de la vérité et donc de la connaissance de l’univers. Cependant la cosmologie qui étudie l’Univers se trouve dans cet univers donc elle ne peut être objective et cela nous affecte directement. On pourrait la comparer à l’expérience de la double fente de Young, où lorsque l’on place un appareil détecteur pour mieux comprendre le comportement des électrons, ils se comportent différemment.
Donc pour se rassurer et ne pas douter de la science nous avons créé cinq  critères prouvant la scientificité d’une théorie.

Le premier critère est celui de la cohérence interne. Une théorie ne doit jamais se contredire. Elle doit être générale et totalement inspirée de la réalité pour être validée (critère de la correspondance avec la réalité). Le troisième critère est la prédiction, c’est-à-dire que la théorie doit anticiper une loi qui devra s’appliquer dans le futur, elle doit être utile à tout le monde. Viennent ensuite les deux critères les plus importants. Le rasoir d’Ockham qui est la simplicité : une théorie efficace et valide doit être économe en principes afin de ne pas se perdre et oublier notre cohérence interne. Et puis il y a la falsifiabilité selon Karl Popper : une théorie doit être le support d’une démarche scientifique où des expériences ont été nombreuses pour valider sa compétence. Cependant si la théorie échoue, alors elle est réfutée à jamais, mais si elle est validée cela ne veut pas dire qu’elle est vraie car on ne peut pas l’expérimenter dans toutes les conditions possibles. Elle est donc juste validée, mais jamais vraie.
Ainsi ces critères permettent de contrôler scientifiquement  les théories et certains de ses critères peuvent aussi s’appliquer à l’action de se raconter des histoires, ce qui pourraient montrer que les histoires de mondes sont reliées à la connaissance de l’Univers. D’abord la cohérence interne fonctionne aussi pour l’histoire car si l’histoire n’est pas claire, les lecteurs pourraient être déconcertés et se détourner de celle-ci, comme on pourrait le faire avec une théorie. La correspondance avec la réalité et la prédiction ne peuvent s’appliquer à l’histoire car elle peut être inventée de toute pièce et se passer dans un autre monde que le notre (à l’instar de la mythologie faisant intervenir les Dieux et des endroits comme les enfers, ou de la science fiction). De plus l’histoire n’est pas écrite pour nous rappeler nos erreurs du passé afin de ne pas les refaire mais simplement pour garder une trace de notre vie. L’histoire peut anticiper un phénomène à l’avenir mais elle ne peut pas créer de lois. Quant à la simplicité, l’histoire peut ou non choisir d’être compliquée ce qui veut dire qu’elle peut s’appliquer au rasoir d’Ockham d’une certaine façon. Mais pour finir avec le dernier critère, la falsifiabilité ne peut s’accorder avec l’histoire car ce n’est pas une théorie à valider. On peut l’approuver scientifiquement mais si elle est fausse, elle n’est pas à réfuter, à bannir irrémédiablement. Au contraire, elle s’inscrit dans l’époque et le contexte dans lequel elle a été testée, vérifiée.

Donc, dans certaines conditions, l’histoire peut comme la théorie, et plus généralement la science s’intégrer dans certains critères de la scientificité et cela montre ainsi que ces deux domaines sont peut-être liés. D’ailleurs on pourrait se demander si les scientifiques et les auteurs de théorie ne se raconteraient pas des histoires pour avancer dans la connaissance de l’Univers. Par exemple, Einstein  s’est peut-être imaginé des histoires de mondes qui auraient pu l’aider à créer les théories que l’on connaît aujourd’hui. Ainsi le scientifique aurait besoin d’une part en lui d’imagination pour connaître l’Univers.
Descartes dans ses « méditations » s’est posé la question de savoir si’ nous pouvions avoir une certitude quant à l’extériorité des choses qui nous entourent. Il prend alors un morceau de cire comme exemple. Au début, le morceau de cire est un bloc compact, solide, parfumé. Il fait du bruit quand on le frappe. Puis on le met devant une flamme, il devient mou et liquide, perd de son odeur et ne résonne plus. Pourtant on est bien certain que c’est le même morceau de cire mais ces deux apparences ne sont pas la même chose. Nos sens nous disent que ce sont deux choses distinctes alors que nous savons bien que c’est une seule et même matière. Il conclue que seul notre entendement peut savoir et même « voir » la cire là où mes sens me montrent deux choses différentes. Mais Descartes ne se serait-il pas raconté d’histoire d’une seule cire alors qu’il y aurait des millions de possibilités inimaginables ?
Deux autres exemples tirés de la physique quantique pourraient aussi nous faire envisager que nos sens soient trompés face à la multitude de possibilités d’états d’un objet ou d’une chose. Ces deux expériences sont celle de la double fente de Young et le chat de Schrödinger. La première rapporte le comportement étrange des électrons quand ils sont observés. On envoie à travers deux fentes des billes lancées à pleine vitesse. On observe alors deux tranches sur un tableau derrière les fentes. Maintenant on fait de même avec des vagues, on s’aperçoit qu’il n’y a pas deux tranches mais un patron d’interférences avec plusieurs tranches. On essaye alors la même expérience avec des électrons. On en projette donc sur les deux fentes et, au lieu de trouver seulement deux fentes comme avec les billes, on trouve un patron d’interférences. Les scientifiques  essaient alors deux choses. Premièrement, ils envoient un par un les électrons et si, au début, on observe bien deux tranches au bout d’un certain temps, on voit à nouveau plusieurs tranches. Ils ont alors voulu observer de près le comportement  de l’électron pour savoir dans quelle fente il passait. Ils ont alors placé un observateur devant les fentes et dans ces conditions, on a retrouvé le modèle de deux tranches. Cela signifie que premièrement on ne sait toujours pas comment passent les électrons et que deuxièmement l’expérience change selon qu’il y ait un observateur ou pas. Mais alors où est la connaissance de l’univers si une même expérience me décrit deux réalités : onde et corpuscule ?

Imaginons maintenant qu’un chat soit placé dans une boîte dans laquelle il y a un mécanisme qui détecte la désintégration d’un atome radioactif. Si le détecteur capte la désintégration, alors il casse une fiole de poison qui tue le chat. Or, on ne peut pas savoir si l’atome se désintègre ou pas, il y a une possibilité de 50/50. Le chat est donc à la fois mort et vivant tant qu’on n’ouvre pas la boîte. Mais pour savoir s’il est mort ou vivant, il faut ouvrir la boîte, mais si on ouvre la boîte, on imposera le fait qu’il sera mort ou vivant. La superposition quantique ne s’appliquant pas à notre échelle, lorsque la boîte est fermée on peut mathématiquement prévoir l’état du chat : Une chance sur deux qu’il soit vivant. Nous pouvons alors tirer deux conclusions la physique quantique doit rester quantique. On ne peut pas l’appliquer à notre échelle et elle doit rester un concept mathématique (c’est l’école de Copenhague), ou alors il existe un univers parallèle pour chaque état superposé (c’est la théorie d’Everett). Qu’en est-il de l’état où le chat n’est pas mort quand la boîte est ouverte ?
Pour l’interprétation de Copenhague le 2e état n’existe tout simplement pas, le chat est vivant, c’est tout. S’il est mort, il n’est plus vivant, un point c’est tout.
Pour Everett, lorsque la boîte est ouverte le chat est mort ou vivant, mais cette alternative décrit une bifurcation entre deux réalités qui ont également lieu. On sera donc dans un monde où le chat est mort sachant qu’il y en a un autre où il est vivant.
Ainsi ces deux expériences ne nous indiquent pas comment vont réagir les électrons après les avoir lancé contre les fentes ni comment le chat est dans la boîte s’il y a eu désintégration, on ne peut pas prévoir d’avance tant il y a de possibilités imaginables. Et si d’après Everett il y avait la possibilité de plusieurs mondes parallèles où le chat n’aurait pas les mêmes états, cela ne voudrait-il pas dire qu’il existe quelque chose de plus grand, invisible nous mettant devant ces faits accomplis quelque part, sans pour autant tomber dans des histoires de mondes ?

Et si la notion même d’Univers était à revoir, balayant ainsi la question de connaître l’univers sans se raconter des histoires de mondes ?
Comme nous venons de le voir avec Everett, il se pourrait qu’il existe d’autres mondes où le chat soit bien vivant et d’autres dans lesquels il serait mort. Et si l’ensemble de tous ces mondes composait le multivers ? Un multivers dans lequel tout serait possible et où il existerait toutes les versions différentes de nous faisant pratiquement tous la même chose mais différemment ? Le chat dans un monde serait vivant, dans un autre, non, dans un autre encore, le poison n’aurait pas été libéré pareillement, etc.
La théorie du multivers correspond aux critères de la scientificité : elle est simple, élégante et économe en concepts (même si elle ne l’est pas en mondes : many worlds, a few words).
La théorie du multivers est la conséquence de la thèse de l’inflation exponentielle (qui montre qu’il y a une expansion de l’Univers de plus en plus rapide comme les trous dans un gruyère), de l’énergie de la matière noire (étant extrêmement petite alors que c’est elle qui réalise l’expansion et qui, lorsque l’on essaie d’enlever quelques zéros des milliards de milliards de zéros constitue le chiffre de l’énergie afin d’augmenter la valeur de cette énergie - l’univers serait radicalement différent et il n’y aurait pas de vie sur terre, mais qui prendrait alors du sens dans un multivers grâce aux infinies possibilités de retrouver des planètes identiques) et de la théorie des cordes (cordes vibrant de façons différentes créant de nombreuses particules car elles se trouveraient dans les quarks, les protons et et neutrons créant eux des atomes qui eux créent toutes les molécules). Tout cela créerait donc (d’après Guth, Linde, Vilankin qui ont découvert ces théories) le multivers dans lequel on vit.

Le multivers serait donc la fin du raisonnement de la question de la connaissance de l’Univers, comme le dit l’astrophysicien Aurélien Barrau car nous entrons peut-être selon lui dans une forme de « logomythie » où, à l’inverse de la mythologie, il s’agirait, pour la science, le logos, de créer de nouveaux mythes : mythos, sachant qu’il n’est plus question pour le savant de dire la seule vérité possible de ce monde là mais peut-être l’interprétation la plus sobre et la plus élégante de tous les mondes réels.

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