mardi 14 novembre 2017

Méthodologie 3e sujet du baccalauréat (Explication de texte)


1)    Le choix du 3e sujet
Si nous avons choisi le 3e  sujet plutôt que l’un des deux premiers, le jour de l’épreuve, cela signifiera, dans l’esprit de notre correcteur que nous avons volontairement opté pour un certain style d’exercice différent de la dissertation. Il faut bien comprendre les implications de ce choix sous peine de ne pas répondre aux attentes. Lorsque nous rédigeons une dissertation, nous devons organiser les éléments d’une réflexion dont le but est de traiter un problème contenu dans le sujet. Pour le 3e sujet, nous sommes mis en présence non seulement d’un problème mais aussi de la thèse défendue par l’auteur pour y répondre, ou du moins pour l’approfondir. Cela suppose de notre part une certaine « humilité », une attitude fondée entièrement sur l’écoute et la compréhension plutôt que sur la convocation personnelle de telle ou telle idée sur la question.
En décidant de traiter le 3e sujet, nous nous engageons à faire la place au sein de notre pensée à la pensée d’un autre. Cet autre étant un « auteur », il va de soi que nous lui accordons d’emblée ce crédit d’être pertinent, parfaitement cohérent, et plus encore intéressant. Cela ne signifie pas nécessairement que nous adhérons à la thèse qu’il défend mais nous nous engageons à la saisir, à la détailler dans le processus de sa démonstration, à la rendre parfaitement claire pour nous et pour les autres, et, éventuellement à lui objecter certains arguments ou d’autres auteurs si nous en sommes capables.


Par conséquent, lors de l’épreuve du baccalauréat, si après avoir lu le texte quatre à cinq fois, nous avons le sentiment que l’auteur se contredit ou que sa thèse n’est pas cohérente, il est préférable de choisir un autre sujet, car la toute première chose à comprendre est que ce texte est UN texte, c’est-à-dire qu’il défend UNE thèse et que toutes les phrases, tous les mots, chaque élément de ponctuation sont écrits dans UN seul but qui est de nous convaincre de la justesse d’UNE thèse.
2)    L’introduction
Ce qui se joue dans notre introduction, c’est déjà la compréhension du texte, autrement dit, notre correcteur la lira avec une attente très simple mais aussi très exigeante : celle de notre aptitude à avoir clairement et précisément déterminé le thème, la thèse et la problématique de l’extrait à expliquer.
a)    Le thème
Aucun auteur ne se lève un matin en se disant qu’il va écrire sur tel ou tel sujet. Son travail de rédaction s’articule à un thème qui préexiste évidemment à sa réflexion. Le thème désigne ce « fond d’écran », cette question globale sur le fond de laquelle se détache se texte en particulier. On peut prendre cette image au pied de la lettre. C’est comme un paysage que nous regardons d’abord dans son ensemble et dans lequel nous allons détacher un motif en particulier (le texte) sur lequel nous allons porter notre attention comme un élément que l’objectif de notre appareil va agrandir par un processus de focalisation. Il convient d’éviter à tout prix, pour commencer, les formules vagues, grandiloquentes et « passe-partout » du style « les hommes se sont toujours posés la question de savoir si… ».
b)    La thèse

Dans un second temps, notre introduction devra avec précision situer la position de l’auteur par rapport à ce thème. Il ne faut pas hésiter à marquer explicitement ce seuil à partir duquel c’est à la thèse du texte que nous allons nous attaquer en la formulant : « Ici Aristote soutient que… ». Cette thèse peut être formulée avec une ou deux phrases dont les termes auront été très « réfléchis ». Notre correcteur nous « attend » sur ce point crucial. Si nous passons à côté, nous nous apprêtons à faire du hors texte, l’équivalent du hors sujet pour la dissertation. Si nous restons vagues, désinvoltes, en évoquant un terme très général, nous créons d’emblée une impression très défavorable qu’il sera difficile de démentir par la suite. La thèse doit exprimer ce que l’auteur apporte ici par l’écriture de ce passage. C’est le fond de l’intention du philosophe qu’il s’agit de retranscrire sans se tromper.
c)    La problématique
La problématique ne désigne pas ici méthodologiquement la même chose que pour une dissertation. Elle n’est pas le processus de questionnement qu’il nous faut amorcer pour aller du sujet au problème (de toute façon, il n’y a pas ici de « sujet »). La thèse défendue par l’auteur se détache progressivement en traçant ce que l’on pourrait appeler « son chemin » dans le cours de plusieurs problèmes mettant en présence, voire en confrontation certains concepts. C’est ce cheminement qu’il nous décrire à la fin de notre introduction en évoquant à la fois les notions par rapport auxquelles le texte va clarifier sa position mais aussi les enjeux qui vont se dégager de cette élucidation. Pour être clair, il est ici question de spécifier la voie choisie par l’auteur pour soutenir sa thèse, en décrivant à la fois le plan suivi par l’auteur et les enjeux philosophiques qui se détachent progressivement de ce cheminement.


Pour résumer, Il convient de toujours appliquer à notre introduction cette structure ternaire : Thème / Thèse / Problématique.
Le thème désigne globalement le sujet sur lequel le texte prend une position précise (cette position désignant la thèse du texte). Il faut saisir assez rapidement de quoi il est question (pour Aristote ici, c’est la chrématistique) et amener le plus simplement possible cette notion. Il s’agit  de préparer le terrain à la seconde étape en posant « la toile » sur le fond de laquelle le texte va surgir (la dynamique de notre esprit doit être ici rétroactive : nous avons déjà lu et compris le texte, il nous faut réfléchir au cadre dont il se dégage, comme un appareil photo dont l’objectif opérerait un mouvement d’élargissement pour se refocaliser ensuite sur la thèse).
La thèse désigne l’idée essentielle (Ici Aristote affirme que…). Nous avons bien saisi que ce texte constituait une unité. Cela signifie qu’il défend «UNE » idée. Laquelle ? N’hésitons pas à manifester de la précision. Il n’est pas question de résumer mais de mener à bien un acte de compréhension. Il y a forcément quelque chose de fondamental dans cet extrait (sans quoi on ne nous l’aurait pas proposé. Une idée essentielle se caractérise à la fois par sa densité philosophique, sa puissance d’impact et la subtilité de ses nuances (c’est bien le cas ici : la distinction entre la chrématistique naturelle et la chrématistique commerciale prouve que le problème ne vient pas tant de la monnaie que d’un certain usage qui en fait (dans la fonction d’évaluation et de mesure des produits échangés, assurée par la monnaie, l’homme a insinué de la démesure).
La problématique se caractérise, dans ce cadre là (il faut distinguer le travail problématique pour un sujet de dissertation et pour une explication de texte), par trois traits essentiels : a) opposition de concepts, b) progression linéaire (plan du texte), c) enjeux. Toute texte philosophique est une mise en rapport de concepts. Il décrit le cheminement d’une réflexion argumentée entre des notions et c’est dans cette texture là qu’il évolue, qu’il dessine sa trajectoire. Il nous revient donc de décrire ce trajet en le situant clairement dans son milieu d’origine. Le texte fait sens, « prend » du sens progressivement en se constituant au fil de la mise en rapport successive de plusieurs concepts, soit contradictoires, soit proches. Comme il ne pourrait pas exister de textes philosophiques sans problème, le moteur de cette progression est nécessairement problématique. C’est ce qui explique que ce travail soit aussi une exposition du plan de l’auteur. Ces problématiques ont nécessairement soit des implications philosophiques en elles-mêmes , soit des échos dans la réalité de notre époque. C’est pourquoi nous devons également évoquer dans la problématique les différents enjeux de la thèse défendue par l’auteur (ici la compréhension de la dimension structurellement dépressive ou récessive du capitalisme boursier, dans toutes les conséquences désastreuses que cela implique pour les populations)



3)    L’explication

Que signifie : « expliquer » ? Pour répondre correctement à cette question, il faut peut-être d’abord s’interroger sur ce qui fait que nous comprenons un énoncé. Notre pensée lit les phrases d’un philosophe. Nous pouvons avoir du mal, buter sur certains mots, ne pas faire le rapprochement avec un exemple, et puis, au bout d’un certain moment, cela s’éclaire et nous disons que nous avons « compris ». Que s’est-il passé ? Nous avons suivi les traces, les indications laissées par les mots jusqu’à l’idée. Nous avons compris ce « qu’il veut dire ». Tout ceci a été animé par une intention, et, dans le cas d’un texte philosophique, cette intention ne fait pas que s’auto-affirmer, mais elle suit une démarche démonstrative qui nous permet de réaliser rétroactivement pourquoi il a commencé par nous parler de ceci puis cela, etc. Nous comprenons non seulement l’aboutissement de toute cette écriture.

Mais nous ne serions jamais arrivés à un tel résultat sans avoir d’abord décrypté les phrases, lesquelles ne sont, après tout, que des signes graphiques. Cela signifie que les mots de l’auteur n’auraient pas été compris sans faire écho à notre propre faculté d’utiliser des mots. C’est sur le fond de notre capacité de langage et d’expression que nous avons accueilli, transcrit et « réalisé » le sens de ce texte. Le terme de « réalisation » est ici crucial. Nous avons « réalisé » ce que l’auteur voulait nous dire. Cela veut dire que notre compréhension n’a pas été passive. Elle a « créé » quelque chose. Il s’agit bien de comprendre exactement la pensée de l’auteur, d’en saisir toutes les subtilités et tous les détails, mais en même temps, ce travail de précision suppose qu’à un moment donné, « mes mots » aient fait droit au sein de « ma » propre faculté d’expression aux « mots » d’un autre.
C’est la raison pour laquelle nous comprenons la pensée d’une autre personne lorsque nous sommes capables d’exprimer exactement la même nuance de sens mais avec des mots qui nous sont propres, et nous pouvons même les clarifier, les combiner autrement, faire jouer d’autres oppositions, d’autres rapprochements, nous avons alors l’impression jouissive de maîtriser les concepts évoqués par un autre sans le trahir pour autant, et cela nous apporte quelque chose. C’est un peu comme rentrer dans une maison qui n’est pas la notre et se familiariser tellement avec le mobilier que l’on finit par comprendre ce que c’est qu’en être l’habitant.
Cette image nous permet de rendre exactement compte des deux défauts qu’il convient d’éviter dans toute explication :
1)    L’éloignement par rapport au texte. Il faut saisir ce sens et ne jamais s’en écarter. Toute référence extérieure ou mise en perspective avec un auteur opposé à celui du texte est possible et même souhaitable mais toujours en restant dans la dynamique du sens impulsée par ce texte et pas un autre (Ne nous trompons pas de maison)
2)     La paraphrase. Nous n’avons pas compris le sens et nous limitons à faire une sorte de traduction terme à terme de phrases dont nous ne voyons pas exactement où elles nous mènent. La paraphrase est le plus souvent provoquée par une forme de « précipitation », de malentendu sur la nature d’un texte philosophique. Celui-ci ne nous expose pas tant des mots qu’il ne véhicule un sens. C’est en suivant les premiers qu’il faut toujours viser le second. Les termes ne visent qu’à être dépassés vers l’intention de l’auteur. C’est moins ce qu’un texte dit que ce qu’un auteur « veut dire » qui doit attirer et polariser notre attention. Une fois bien compris ce dépassement, le souci du texte peut prévaloir mais précisément à la lumière que la conscience que nous avons des nuances précises de sens qui s’y exprime.
Il convient donc que nous nous attardions sur chacune des articulations de la démonstration de l’auteur, celles-là même que nous avons évoquées dans la problématique. Notre pensée suit le fil de la pensée d’un autre parce qu’elle s’y est « retrouvée » et cela ne signifie pas nécessairement que nous nous accordons avec elle, mais nous saisissons « comment » l’on peut soutenir cette thèse. En un sens, c’est presque plus facile à faire quand précisément nous ne sommes pas d’accord avec elle, parce que les rouages apparaissent plus nettement à une pensée qui n’est pas, a priori, du même côté que de l’idée défendue par l’auteur.
Il est possible de mener au mieux ce travail d’explication dés lors que la
certitude d’avoir correctement déterminé son idée essentielle nous anime suffisamment pour savoir que tel passage difficile (et éventuellement mal compris par nous) va nécessairement dans le même Sens que tel autre qui nous est parfaitement clair. Puisque nous savons où l’auteur veut en venir, il nous revient d’appliquer notre capacité d’analyse à cette difficulté jusqu’à ce que nous puissions l’assimiler au sens global du texte dans sa totalité : peut-être l’auteur est-il ironique ? Peut-être évoque-t-il une objection pour mieux la réfuter mais alors ce que je prenais pour une contradiction est en fait une argumentation de la thèse défendue…
Nous pouvons également intégrer dans le cours de cette explication des illustrations, des prolongements de la thèse défendue, ses implications. Tout est envisageable dés lors que l’on ne s’écarte pas de cette dynamique qu’est le sens du texte étudié. S’il nous faut comprendre la pensée de l’auteur, il nous revient également et modestement de ne le créditer d’aucun consentement d’office. Nous n’avons pas à être intimidé par sa réputation. S’il a écrit ce texte, c’est que lui-même nous reprocherait d’adhérer sans examen à son affirmation. Il nous est donc permis de lui opposer des arguments si nous les jugeons viables et performants.
Nous devons également rester vigilants à l’égard de trois pièges : a) le faux sens : nous ne comprenons pas l’un des termes principaux du texte (par exemple, l’utilisation par Kant du terme de minorité dans « qu’est-ce que les lumières ? » b) le contre sens, nous saisissons une phrase à l’inverse de ce qu’elle veut dire (exemple dans le texte : « quand on eut plus recours à l’étranger », plus signifie davantage) c) le non sens : interpréter des phrases en ne partant pas du principe qu’elles vont toutes dans un seul sens, celui de la thèse défendue. C’est, au sens propre, « n’importe quoi ».
Il convient d'utiliser un style direct en se situant d'emblée dans le texte sans évoquer constamment l'auteur. Des formulations de type:"Aristote dit que.." "L'auteur évoque alors...." ou "il est dit que...." finiraient à la longue par être indigestes.
4)    La conclusion
La conclusion se compose de deux moments : a) reformuler l’intention de l’auteur, c’est-à-dire le sens du texte,  en exposant les arguments qui plaident en sa faveur ou au contraire qui le desservent. Pourquoi sa démonstration est-elle inattaquable, ou au contraire, vulnérable ? b) Qu’est-ce que ce texte a amené à l’évolution de cette problématique, dans la philosophie, dans l’histoire et éventuellement dans l’actualité (si le sujet s’y prête). On peut concevoir cette dernière phase comme une conclusion à l’évocation du thème dans l’introduction. Ce texte se prononce sur un problème qui lui préexistait. Que lui a-t-il apporté ?
 

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